Inès





   Inès est une jeune fille de vingt ans. Son visage paraît plus âgé, et pourtant ses yeux vous harponnent en une blessure vive, jeune, éternelle. Vous n’avez pas encore pensé à la regarder que déjà elle vous reconnaît.
   - Bonjour, je m’appelle Inès.
   Sa main chaude se tend vers vous, et son sourire craintif hésite à espérer un retour à son salut. Elle vous regarde d’en bas, cachant son visage derrière un rideau de cheveux bruns. Vous lui serrez la main, par charité, pour ne pas la peiner. C’est là qu’elle vous foudroie.
   Vos mains enlacées sont liées l’une à l’autre, elle vous parle et vous ne comprenez pas, mais ce qu’elle vous révèle submerge cette phrase baragouinée. C’est une déferlante, un raz-de-marée qui bouleverse sans pitié votre cœur. Est-ce vraiment une vague, ou plutôt une flèche aiguisée ? Les yeux noirs vous accrochent.
   Elle n’est pas très jolie. Son pas est lourd, bancal, elle marche doucement, freinée par une peur maladive qui ne s’explique pas. Son dos se courbe sous un fardeau invisible que personne ne peut toucher, mais qu’on devine pesant.
   Elle ne lâche pas votre main. Vous n’avez plus envie de la retirer de ses longs doigts fins qu’elle a refermés avec tant de force. Elle s’agrippe à vous comme à une bouée vitale, et vous la mèneriez déjà au bout du monde.
   Qu’importent les regards, qu’importe le monde autour de vous, vos amis qui vous dévisagent avec étonnement. Il n’y a qu’elle, cette femme en détresse dont on s’éprend si facilement. Inès.
   Elle vous tire derrière elle, par peur de vous perdre. Elle raconte sa vie dans un marmonnement égal. Elle resserre la main quand elle sent s’éloigner son protecteur, s’arrête de temps en temps, en un soudain effroi incompréhensible.
   La rassurer. La consoler. L’accompagner.
   L’aimer.

   Voilà cependant le lieu où vos pas se séparent. Elle a comme des larmes dans les yeux, mais sans protester elle libère votre main. Son groupe l’appelle. L’heure sonne pour vous de rentrer. Elle reste là, les yeux embués, et vous vous éloignez à reculons.
   Elle a un sourire timide qu’on lui rend volontiers.

   Vous vous retournez pour reprendre votre chemin. Dans cette grande âme, c’est le Christ que vous avez rencontré.

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